Témoignage en
peinture 2006 - 2010
La peinture repose sur la
relation entre la forme et l’espace. Une forme indique la
perception de son existence ou sa relation à la non-existence.
En fait, la perception visuelle que l’artiste a du monde, son
attitude de vie et son comportement vis-à-vis des choses
viennent s’imprimer sur ces limites de la forme.
A travers ce travail est
représentée une partie de la société à laquelle appartient
l’œuvre. Or, nous ne sommes pas seulement ce qui résulte de
notre intégration dans le système. La peur se reflète dans les
yeux des enfants qui apportent avec eux les papillons qui ont
déjà disparu de la planète. Des couteaux sont représentés entre
les relations des hommes. Chaque naissance d’un nouveau-né
fragile est marquée par une ligne rouge pouvant se couper
facilement. Emily Dickinson visite l’Iraq. Le paradoxe de
l’époque. Nous vivons le commencement de la fin. La nature est
inondée de déchets, des enfants innocents sont tués à Gaza,
Mogadiscio, Fallujah, personne ne réagit, personne n’a peur.
La peinture représente une
tentative de trouver de la poésie dans la terreur du quotidien,
à travers la barbarie des événements. La vie humaine a perdu sa
valeur. Glacier et terreur sont les relations entre les hommes
et l’incompréhension engendre violence et meurtres partout. Un
monde terriblement sauvage, laid mais aussi beau. La peinture
est un combat continu. Une lutte.
Ce travail se fonde sur les
images d’aujourd’hui, la plupart d’entre elles proviennent des
actualités, d’internet ou des jeux vidéo. Il se produit un remix
sans limites des images, une lutte afin de recomposer à travers
les fragments. Le transfert pur et simple de l’image de masse
dans l’espace particulier du cadre constitue une soustraction
plastique et conceptuelle. Isolée du décor familier des médias,
sur le cadre, elle révèle son caractère mensonger. En même
temps apparaissent aussi les interventions déformatrices. Il se
façonne ainsi une peinture émotionnelle où la figure est une
présence dramatique et l’expérience visuelle est celle de
l’espace réel.
L’artiste avoue ses opinions par
le biais du réalisme en faisant des commentaires politiques. Le
visage humain est agrandi aux limites de la projection
cinématographique et considéré comme un paysage lyrique et
onirique. Il y a du réalisme et il s’agit d’un réalisme
critique. Un personnage n’est pas choisi au hasard mais
consciemment et il est dépeint dans les mouvements instantanés
d’une action. Un visage ou une situation sont fréquemment
marqués d’une flèche. Une forme indéfinie, cachée ou manifeste
de quelqu’un pouvant être le héros invisible ou la future
victime éventuelle. L’artiste met en scène des moments de
bonheur. Des moments personnels, familiaux, qui donnent un
souffle de vie. Il y a l’usure et la destruction, mais les
enfants dessinent sur les murs et leurs voix changent le monde.
Flèches et visages nous indiquent des points possibles de
fuite.
Simultanement, des références
parsemées sont faites à des objets de notre époque, à des
visages durs, à des symboles souvent détestables et répulsifs,
et tout cela fonctionne comme une mosaïque d’espoirs et de
sentiments perdus… L’atmosphère de notre époque. L’odeur de
notre époque. La routinisation des attitudes et des attentes
domine partout. Le choix entre les partis politiques se fait de
plus en plus comme le choix entre les différentes marques de
lessives d’un même fabricant.
Simultanement, un milliard
d’hommes se transforme en consommateurs. Aujourd’hui l’homme a
conquis l’espace, il a énormement évolué dans le domaine des
sciences et il a inventé le miracle de l’internet. Cependant, il
est plus sauvage que jamais. Les problèmes émotionnels et
psychologiques les plus simples, ceux qui déterminent sa
dépendance émotionnelle et matérielle vis-à-vis des autres, se
trouvent encore à l’état primitif.
Nous devons tous, et non pas
seulement les artistes et les créateurs, comme le disait
Joseph-Beuys, nous interroger et discuter sur l’interprétation
future de la civilisation qui doit naître à travers l’art,
parce que rien d’ autre ne saurait l’éclairer.
L’artiste dit: J’ai de la chance.
Pensez aux milliards d’hommes qui vivent sous le seuil de la
pauvreté, aux millions qui sont confrontés à un problème de
santé incurable.
Ces dernières années, je suis
allée à la rencontre des peuples du monde les plus éloignés et
j’ai visité des temples et des civilisations mystérieux. Le
Pérou, la Bolivie, l’Indonésie, le Cambodge, la Thaïlande et
d’autres pays. L’art ancien, la pierre, l’homme, l’eau
m’attirent. J’admire la force de la culture et de l’Art des
différents peoples de la terre et j’ai intensément ressenti leur
peur pour la survie au milieu de séismes, de tsunamis et de
tempêtes. La distance fonctionne également comme un déploiement
de la conscience. On accède à d’autres situations. On se trouve
au bord du ravin et on reconsidère tout. J’ai de la chance
d’être en bonne santé pour admirer et créer. Je n’ai d’autre
ressource avec la mort que de faire de l’Art avant elle, comme
l’a affirmé René Char. Je peins parce que je m’inquiète et j’ai
peur pour l’homme et pour la terre et je veux que les autres
s’inquiètent eux aussi. Je peins parce que je m’intéresse
surtout au sentiment de liberté. La vie est un parcours, une
aventure de recherche continue pour l’expression. |